Jérémy Ridel
FullFrontalLab
RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT
Saison 2017/2018 - Le Carreau du Temple
2019/2020 - Studio Théâtre de Vitry
Les Cahiers
Découvrez nos cahiers de recherche tenus durant notre travail au sein du Studio Théâtre de Vitry. Pensés comme des journaux de travail, ils vous permettront de découvrir de l'intérieur, les réflexions qui nous traversent.
Ma pratique globale répond à une volonté de réduction, de concentration extrême de la matière théâtrale. Cette concentration commence par un travail dramaturgique que j'effectue à chaque projet. Elle consiste en un fort travail de coupe du texte pour isoler et ne travailler que sur les thématiques principales de l’oeuvre. Ce travail de réduction intense me conduit à couper parfois de très grande partie des textes, ce qui permet d’en intensifier le propos.
Ce travail de réduction est aussi scénographique. Accompagné de ma scénographe, nous travaillons à constituer des espaces particulièrement dépouillés. Ces réductions mettent au centre du plateau le jeu d’acteur. Travailler ce point revient donc à travailler le coeur même de mon projet artistique.
Sous un microscope
Un principe général
La nature de cette recherche consiste à une réflexion sur une réduction extrême du jeu d’acteur qui a pour but une intensification de l’expérience théâtrale. Il s’agit d’imaginer une esthétique de jeu où chacune de ses composantes (gestes, parole, regard, voix) serait réduit à sa plus intense nécessité. J’imagine en cela un jeu d’acteur passé au microscope.
Frontalité.
Développer une esthétique de jeu autour de l’exposition.
Le jeu s’envisage frontalement, cela veut qu’à l'exception de quelques gestes et mouvements choisis, l’intégralité de la représentation se joue face publique, souvent à proximité de la salle. Il s’agit d’une entreprise d’exposition des affects. Un travail que je nomme souvent “géographique”. Il consiste à penser que dans cette frontalité constante se trouve un rapport plus intense à la représentation, où rien n’est caché et où chaque affect fait l’objet d’une monstration constante.
Si la frontalité est souvent utilisée au théâtre, je souhaite pour ma part l’accompagner d’une incarnation soutenue et constante. Cette pratique donne un caractère quasiment voyeuriste à la représentation. Elle la construit comme un acte intrusif. C’est en cela qu’elle est géographique, parce qu’elle laisse voir la cartographie d’un être humain, la fabrique de ses sentiments, de ses affects et de ses décisions.
Réduction.
Développer une esthétique de jeu autour de la distillation extrême.
A cette frontalité s’ajoute une entreprise de réduction que j'évoquais plus haut. Elle prend concrètement la forme d’une diminution drastique du jeu corporel de l’acteur. Je souhaite ramener chaque geste et chaque mouvement à sa stricte nécessité. Cela implique de travailler sur une immobilité relative et sur une très forte constriction du corps. De cette manière je souhaite créer une représentation où chaque geste, chaque mouvement prend une importance fondamentale pour la narration. Tous les éléments de la représentation sont alors scrutés et endossent une responsabilité narrative.
Débit.
Développer une esthétique de jeu autour du rythme et de la gestion de la parole.
Je travaille enfin sur des propositions de jeu qui alternent débit très rapide et silences. Je travaille à ce que la parole soit aussi objet d’une réduction. Cela me permet de donner une nature hésitante et impulsive à l’acte d’expression. Les silences qui entrecoupent ce débit créent des étirements du temps dans lesquels les affects et les réactions se laissent voir. Ils permettent aussi de re-rythmer ou de dé-rythmer le débit. Ces silences sont des déchirements dans la représentations. Ils laissent voir ce qui gît sous la parole.